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Flashbacks émotionnels : ces émotions du passé qui vous submergent encore aujourd’hui

Sep 23, 2025

Quand le passé revient sans prévenir

Il y a des moments dans la vie où l’on se surprend à réagir de manière disproportionnée. Une simple remarque d’un collègue, un regard de travers, un silence au téléphone… et soudain, une émotion violente monte, nous submerge et nous semble incontrôlable. Peur, honte, colère ou tristesse se réveillent avec une intensité telle qu’on a l’impression d’être de retour dans une scène du passé.

Ce phénomène porte un nom : le flashback émotionnel. Contrairement à ce que l’on imagine, ce n’est pas toujours une image claire qui resurgit, comme dans les films où l’on voit un personnage revivre son traumatisme. Le plus souvent, il s’agit d’une explosion d’émotions qui s’impose à nous sans que nous comprenions immédiatement pourquoi. C’est le passé qui infiltre le présent, non pas par la mémoire consciente, mais par la mémoire du corps et du système nerveux.

 

Qu’est-ce qu’un flashback émotionnel ?

Un flashback émotionnel est une réactivation brutale d’émotions liées à un événement passé, sans que l’on ait toujours conscience du lien avec ce passé. On ne revoit pas forcément la scène, mais on revit l’émotion comme si elle était encore là.

Une remarque banale peut déclencher une honte écrasante, un bruit soudain peut réveiller une peur panique, un ton de voix peut faire surgir une colère hors de proportion. Ce sont les cicatrices invisibles laissées par des expériences traumatisantes. Comme le dit le psychiatre Bessel van der Kolk, auteur du livre Le corps n’oublie rien, le traumatisme ne se loge pas seulement dans l’esprit : il s’inscrit dans le corps.

Autrement dit, tant que le système nerveux n’a pas intégré que l’événement est terminé, il peut continuer à réagir comme si le danger était toujours présent.

 

Les formes multiples des flashbacks émotionnels

Les flashbacks émotionnels sont plus fréquents qu’on ne le croit, et ils prennent des formes très variées. Certaines personnes deviennent soudainement silencieuses et incapables de réagir lors d’un conflit. D’autres sont envahies par une peur irrationnelle d’être abandonnées, alors que rien ne le justifie objectivement. Pour d'autres encore, cela se manifeste par une sensation de rejet ou une mauvaise interprétation démesurée des agissements de leurs proches, qui peut même mener à la fuite et à la cassure définitive de liens.

Il existe aussi des manifestations plus physiques : un besoin compulsif de manger, de consommer ou de s’agiter, une envie irrépressible de se recroqueviller, une fatigue écrasante qui tombe d’un coup, ou encore une colère fulgurante qui explose sans avertissement.

Ces réactions ne sont pas exagérées ou « théâtrales » : elles traduisent simplement le fait que le corps est en train de rejouer un état ancien de survie. Le présent active des circuits neuronaux liés à une expérience du passé.

 

Pourquoi ces émotions reviennent-elles ?

Lorsqu’un événement est trop intense ou trop douloureux, il arrive que le cerveau n’arrive pas à le classer dans la mémoire autobiographique. Normalement, un souvenir est daté, contextualisé, mis en perspective. Mais dans le cas d’un traumatisme, ce processus est interrompu.

L’amygdale, qui joue le rôle d’alarme émotionnelle, enregistre l’expérience avec une intensité extrême. Elle devient hypersensible, toujours prête à se déclencher au moindre signe rappelant le danger. L’hippocampe, chargé de donner une chronologie aux souvenirs, ralentit et peine à faire son travail. Résultat : les fragments de mémoire ne sont pas identifiés comme appartenant au passé, mais comme des signaux actuels.

Ajoutons à cela que le cortex préfrontal, siège de la raison et de la régulation, fonctionne au ralenti en situation de stress extrême. Les freins rationnels ne jouent plus leur rôle. C’est ainsi qu’un détail anodin peut réactiver une panique ou une douleur ancienne.

Comme l’explique Stephen Porges dans la théorie polyvagale, notre système nerveux autonome est programmé pour réagir avant même que nous ayons le temps de réfléchir. Le corps choisit la survie : combattre, fuir ou se figer.

Pourquoi la volonté ne suffit pas

Le problème est que le concept de flashbacks émotionnels est encore méconnu et que beaucoup de personnes qui en sont victimes se sentent coupables : « Je devrais pouvoir me contrôler… » Mais il est essentiel de comprendre que ces réactions ne relèvent pas de la volonté consciente.

En réalité, près de 80 % des signaux nerveux circulent du corps vers le cerveau, et seulement 20 % vont du cerveau vers le corps. Ce que ressent le corps influence donc bien davantage nos émotions et nos pensées que l’inverse.

On ne peut pas « penser » un flashback pour l’éteindre. Ce n’est pas une question de force mentale ni de positivisme. Tant que le corps reste bloqué en mode alerte, l’esprit ne peut pas forcer le retour au calme.

C’est ce que rappelle Peter Levine, fondateur de la Somatic Experiencing : le trauma est dans le système nerveux, pas dans l’événement. Ce qui compte, ce n’est pas ce qui est arrivé, mais la façon dont notre organisme l’a enregistré et reste piégé dedans.

 

Le rôle central du système nerveux

Comprendre cela change tout. Les flashbacks émotionnels ne viennent pas révéler un manque de travail sur soi, mais ils sont en réalité l’expression d’un système nerveux figé dans le passé.

La clé n’est donc pas d'essayer de penser autrement, mais de réguler ce système nerveux. Cela signifie redonner au corps l’expérience qu’il est aujourd’hui en sécurité. Sans cette régulation, le cerveau continue de confondre hier et aujourd’hui.

Respiration profonde, ancrage sensoriel, mouvement, toucher apaisant… ces pratiques simples envoient au cerveau un message de sécurité. Elles réduisent progressivement l’intensité des flashbacks. Comme le souligne Deb Dana, spécialiste de l’application clinique de la théorie polyvagale, la guérison vient quand nous apprenons à rester dans la connexion, même après avoir été coupés par la peur.

 

L’intelligence neuro-somatique : transformer ses réactions

C’est là qu’entre en jeu l’intelligence neuro-somatique©. Elle consiste à développer une conscience fine de ses signaux corporels et à utiliser des outils pour influencer volontairement le système nerveux.

Il ne s’agit pas de supprimer les émotions, mais de retrouver une flexibilité. Être capable de passer d’un état d’alerte à un état de sécurité, de laisser circuler les émotions sans s’y noyer.

Concrètement, cela peut ressembler à un entraînement : remarquer quand le cœur s’accélère, quand la respiration se bloque, quand le corps se crispe, puis agir par les système sensoriels. Mais aussi travailler au quotidien lorsque tout va bien pour rééduquer le système nerveux dans le sens de la sécurité.

Peu à peu, le système nerveux apprend à ne plus déclencher de fausses alertes. Les flashbacks perdent en intensité et en fréquence. L’espace intérieur se libère.

 

De la survie à la vie

Vivre avec des flashbacks émotionnels donne souvent l’impression d’être prisonnier de son passé. Mais il est possible de s’en libérer. Non pas en effaçant les souvenirs, mais en changeant la manière dont ils vivent en nous aujourd’hui.

Lorsque le système nerveux intègre enfin que le danger est terminé, le passé cesse de hanter le présent. Les souvenirs trouvent leur place dans l’histoire de vie, au lieu de ressurgir comme des intrus.

C’est tout le sens du travail en intelligence neuro-somatique : passer de la survie à la vie. Retrouver la capacité de sentir, d’agir et d’aimer sans être constamment ramené à hier. C’est un chemin exigeant, mais profondément libérateur.

 

Les flashbacks émotionnels montrent à quel point le corps et l’esprit sont liés. Ils rappellent que la volonté seule ne suffit pas, mais aussi qu’une transformation réelle est possible en apprenant à réguler son système nerveux.

La bonne nouvelle, c’est que ce processus n’est pas réservé à quelques-uns. C’est une compétence que chacun peut développer, avec patience, accompagnement et bienveillance.

Comme le dit Van der Kolk : « La guérison est possible lorsque nous cessons de nous battre contre notre corps et que nous apprenons à travailler avec lui. »

Réguler son système nerveux, c’est se donner la chance de vivre le présent pleinement, au lieu de le voir parasité par les échos du passé. C’est redonner à ses émotions leur juste place : non plus des tsunamis incontrôlables, mais des messagères qui nous guident vers une vie plus libre et plus ancrée.

 

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