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Besoin de plaire, sacrifice : la réponse au stress de fawn

Jun 22, 2025

Peut-être vous reconnaissez-vous dans cette posture : dire oui à tout pour éviter les conflits, anticiper les besoins des autres, vous effacer, même sans vous en rendre compte. Derrière cette gentillesse excessive, se cache peut-être une stratégie de survie profondément ancrée : ce que l’on appelle la réponse au stress de type "fawn" (ou fawning comme certains disent). Souvent traduite par « soumission » ou « faire le gentil », cette réponse est en réalité une adaptation neurologique apprise dans l’enfance, et qui se rejoue à l’âge adulte dans bien des sphères de notre vie. En Intelligence neuro-somatique© nous définissons le fawning comme le fait de "séduire" ou "d'amadouer" la menace afin de la neutraliser. 

Comprendre cette réponse, c’est ouvrir une porte vers la réparation de liens avec soi et avec les autres. C'est se redonner la place que l'on mérite dans sa vie, et prendre des décisions plus alignées. C’est ce que nous allons explorer dans cet article pour vous aider à reconnaître ce schéma, en comprendre les origines et surtout en sortir avec l'aide des stratégies neuro-somatiques. 

 

Les réponses de survie : stratégies de gestion du stress

 

Le système nerveux autonome est conçu pour assurer notre survie face au danger. Il mobilise des réponses automatiques qui sont apparues de manière progressives : d’abord le combat (fight) et la fuite (flight) – bien connues grâce aux travaux de Walter Cannon (1929) qui a décrit cette fameuse cascade d’adrénaline qui prépare un animal (ou un humain) à affronter un danger ou à s’en échapper.

Et puis un peu plus tard, des psychologues et des éthologues ont ajouté une troisième option : le figement (freeze) - c’est l’animal qui fait le mort, ou la proie qui est tétanisée. C'est une réponse d'immobilisation, un entre-deux qui permet au cerveau d'évaluer correctement son environnement afin de décider quelle réponse enclencher ensuite.

Mais depuis plusieurs années, un quatrième mode a été théorisé, notamment dans les cas de traumatismes relationnels complexes : le fawn. Là où les trois premières réponses sont souvent physiques, le fawn est relationnel. Il s'agit d'une véritable stratégie sociale visant à désamorcer la menace perçue en s’adaptant excessivement à l’autre, en se rendant indispensable, en devançant ses attentes, parfois au prix de sa propre authenticité. Si elle pouvait parler, cette réponse au stress dirait "en contrôlant l'autre, en lui apportant exactement ce qu'il veut, je m'assure une forme de sécurité". 

Cette stratégie de régulation du stress est apprise lorsque les autres options (fuite, combat, figement) ne sont pas accessibles.

Imaginez un enfant dépendant de figures parentales instables, imprévisibles, parfois violentes ou émotionnellement absentes. Il ne peut ni fuir, ni se défendre. Il va donc "fuir dans la relation", en devenant le plus gentil possible, effaçant ses besoins pour préserver une apparente harmonie. C’est une tentative de reprendre du contrôle sur un environnement menaçant.

Comme le décrit la psychologue Arielle Schwartz, spécialiste du trauma complexe, ce mécanisme est typique des enfants exposés à des traumas relationnels répétés : négligence, abus, parentification, ou simplement une absence de connexion émotionnelle suffisante. L’enfant apprend que la sécurité dépend de l’autre, et donc qu’il doit plaire pour ne pas être rejeté, abandonné ou puni.

 

Comment se forme la réponse au stress de fawn

 

Dans la dynamique du fawn, l’enfant intègre que ses émotions, ses besoins, voire son existence même, sont secondaires. Parce qu'il est face à des parents/gardiens qui ne peuvent lui apporter la sécurité émotionnelle dont il a besoin, il comprend (ceci se passe au niveau cérébral) que sa meilleure stratégie de survie est de contenter l'autre pour préserver la relation, tout en effaçant ses propres besoins. 

Par exemple, j'ai accompagné une personne dont la sœur aînée était gravement malade. Pour ne pas être un fardeau de plus, elle adopte le rôle de l’enfant parfaite, discrète, utile, qui ne demande rien. Ce rôle devient son identité. À l’âge adulte, elle continue à suradapter ses comportements, incapable de dire non ou de se montrer vulnérable. Elle est celle qui aide, conseille, essaie de se rendre indispensable dans la vie des autres. 

Le problème est que cette adaptation devient un mode par défaut, intégré dans la mémoire implicite. Elle ne se manifeste plus seulement en famille, mais dans toutes les sphères de vie : en couple, au travail, en amitié. Et le plus souvent, la personne n’en a pas conscience : elle sait juste qu'elle ne parvient pas à trouver sa place, et s'épuise souvent de vivre dans une dédication perpétuelle aux autres. 

 

Reconnaître la réponse au stress de fawn

 

Le fawn a un prix élevé, puisque ce besoin de plaire à l'autre engendre une véritable problématique identitaire. Il engendre par exemple :

  • Une anxiété relationnelle sournoise : le besoin de scruter les humeurs, deviner les attentes, éviter le rejet. Cette hyper vigilance est épuisante et accentue la déconnexion de son propre corps.

  • Une perte d’identité : à force de se conformer, on ne sait plus ce qu’on pense ou ce qu’on veut vraiment. J'ai souvent entendu des personnes coincées en fawning me dire "je ne sais pas ce que je ressens", "je ne sais pas ce que veux" car le surinvestissement de la relation à l'autre a entraîné la fuite de soi. 

  • Une difficulté à poser des limites : dire « non » est vécu comme une menace, donc on s’efface. Les personnes fawn ont tendance à trop concilier, s'adapter, faire les efforts que les autres ne feront pas puisque le conflit est une situation qu'elles ne savent pas gérer. 

  • Une honte toxique : "mes besoins ne comptent pas", "je dois mériter l’amour", "si je déçois, je perds l’autre". Le fawning est le terrain de la perte d'estime de soi.

Comme l’explique Lawrence Heller (Healing Developmental Trauma, 2012), les personnes qui vivent selon ce schéma tentent inconsciemment de contrôler les autres pour se sentir aimées, en jouant le rôle du gentil à tout prix. Mais ce rôle devient une prison. Le vrai soi est étouffé, et une forme de colère réprimée, voire de ressentiment, monte : pourquoi donner autant sans recevoir en retour ? Ce paradoxe alimente tristesse, frustration, voire dépression.

Le fawn est ainsi un terreau fertile pour :

  • La codépendance,

  • Le burnout émotionnel,

  • Les troubles anxieux,

  • Le perfectionnisme (pour tenter de parer à la honte toxique, la personne essaie d'être parfaite)

  • L’auto-effacement chronique.

 

Face à ce schéma, l’injonction « affirme-toi » est aussi inutile que douloureuse. Dire à quelqu’un d’être authentique ou de poser des limites alors que son système nerveux perçoit cela comme une menace revient à le pousser à l’effondrement.

Le problème est que le système nerveux de la personne en fawn n'a pas la capacité de faire face au stress de déplaire. Comme le montre la neurobiologie affective, le cortex préfrontal (celui qui permet de réfléchir, d’affirmer, de prendre du recul) se désactive en cas de menace perçue, au profit du système limbique et du tronc cérébral, responsables des réactions de survie.

Autrement dit : on ne décide pas consciemment de s'oublier. C’est votre système nerveux qui agit pour vous protéger, selon ce qu’il a appris plus tôt dans votre vie.

 

Sortir du fawn

Dans la perspective neuro-somatique, sortir du fawn signifie construire la capacité (au niveau du système nerveux) à être suffisamment relié à soi pour écouter ses vrais besoins; et en même temps, celle de pouvoir gérer émotionnellement la déception de l'autre. Cela signifie :

 

  • Réapprendre à ressentir ses émotions sans danger ;

  • Identifier les signaux corporels de suradaptation ou de débordement ;

  • Stabiliser les circuits neuronaux associés à la peur du rejet ;

  • Intégrer, dans la sécurité, la capacité à dire non, à poser des limites, à se différencier sans panique.

 

 

Si cela vous intéresse vous pouvez d'ailleurs découvrir ici l'atelier neuro reset que j'ai créé spécialement pour le fawn. 

 

Conclusion : De la soumission à la souveraineté intérieure

La réponse de fawn est née d’un manque de sécurité. Elle a permis de survivre et dans tout travail de guérison il est fondamental de pouvoir accueillir tout ce que l'on a été, même si cela nous a desservi. Le cerveau ne crée jamais rien par hasard...

La guérison du fawn est un parcours passionnant qui, comme je le vois chez mes clients, s'apparente à un réel retour à la vie : qui suis-je ? Qu'est-ce qui compte vraiment pour moi ? Qu'est-ce que j'aime ? Qu'est-ce que je veux ? Ce sont quelques-unes des questions qu'ouvre ce parcours intérieur. 

Sortir du fawning, c'est aussi remettre aussi en question des choses que la société encourage pourtant : le don absolu de soi,  "inconditionnel". L'oubli de soi au profit de l'harmonie globale. 

Mais c'est surtout une ouverture vers une authenticité : vivre des relations équilibrées, dire oui avec le coeur, et retrouver le plaisir de faire les choses. 

 

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